Comme le révèle un sondage BVA pour les Echos, les français ont bien fait la différence entre les deux mouvements de protestation dans le milieu médical : le mouvement des internes (et des jeunes hospitaliers) et le mouvement des médecins libéraux.
Comme la quasi simultanéité des deux mouvements et la volonté de certains acteurs de les mélanger ne facilite pas toujours cette distinction, voici un petit récapitulatif sur les causes et les developpements des deux mouvements :
Greve des internes et des jeunes hospitaliers :
Quels sont les intervenants ?
Organisations ayant appelé à la grève :
FNSIP : Fédération Nationale des Syndicats d'Internes de Pharmacie
ISNCCA : l’Inter-Syndicat National des Chefs de Clinique et Assistants des Hôpitaux
ISNIH : l’Inter-Syndicat National des Internes des Hôpitaux. Représente les internes des autres spécialités que la Médecine Générale
SJBM : Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux
SNJMG : Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes
+ certaines associations locales d’externes, membres de l’ANEMF (ex : Marseille, Poitiers)
Organisations n’ayant pas appelé à la grève :
ANEMF : Association Nationale des Etudiants en Médecine de France
ISNAR-IMG : Inter-Syndicale Nationale Autonome et Représentative des Internes de Médecine
Quelles sont les enjeux de la grève pour les internes ?
Comme l’a montré le dossier du Monde publié avant la grève du 17 octobre 2012, le mécontentement des internes provient principalement de leurs mauvaises conditions d’exercice (bien évaluées par une enquête de l'ISNIH publiée le 10 septembre 2012) mais aussi de difficultés liées à leur formation universitaire. C’est encore plus vrai pour les internes de Médecine Générale dont une thèse a révélé en 2011 que près de 1 sur 2 relevait (ou presque) d’une situation de burn out.
Par ailleurs, il existe un sentiment diffus de découragement des jeunes médecins vis à vis d'un climat qu'ils jugent hostile envers eux (ex : le billet sur blog "Sous la blouse" ), climat entretenu par la prise de position du Conseil de l’Ordre et par les propositions de loi remettant en cause la liberté d’installation (dans le cadre de la discussion du PLFSS 2013). Et cette amertume n'est nullement dissipée par la ministre de la Santé quand pour répondre à un journaliste qui lui faisait remarquer : « Pour arriver à une rémunération correcte, les généralistes travaillent beaucoup, près de soixante heures par semaine », Marisol Touraine s'exclame : « Certains d’entre eux travaillent beaucoup… pas tous ! Pas tous ! ».
Sur ce terreau viennent enfin se greffer les interrogations sur la place prise par les organismes complémentaires dans le système de Santé et le positionnement pro secteur 2 des organisations d’internes et de chefs de clinique de spécialités (brouillant les cartes avec le mouvement concomitant de grève des médecins libéraux en faveur du secteur 2).
Pour en savoir plus :
Le positionnement des organisations d'internes : "Internes : du mécontentement à la grève"
Le suivi du mouvement des internes : fil d'info Internet dédié
Grève des médecins libéraux :
- Quels sont les intervenants ?
Organisations ayant appelé à la gréve :
Le BLOC : Syndicat représentant les chirurgiens, anesthésistes et gynécologues obstétriciens (syndicat représentatif des médecins spécialistes à plateau techniques lourds);
FMF : Fédération des Médecins de France (syndicat représentatif pour les médecins généralistes et des autres spécialités)
SNORL : Syndicat National des ORL (syndicat d’ORL non représentatif)
« Le médecins ne sont pas des pigeons » : Groupe Facebook créé sur le modèle de la fronde des jeunes entrepreneurs de septembre 2012, pour s’opposer à l’encadrement des dépassements d’honoraires. Les médecins pigeons sont depuis constitués en association, l'UFML (Union Française pour une Médecine Libre).
Organisations n’ayant pas appelé à la grève :
CSMF : Confédération Syndicale des Médecins de France (principal syndicat senior polycatégoriel, représentatif pour les trois collèges de médecins)
MG France : Médecins Généraliste de France (principal syndicat de médecins généralistes et donc représentatif pour les seuls médecins généralistes)
SML : Syndicat des Médecins Libéraux (syndicat pour les médecins généralistes et des autres spécialités)
SMG : Syndicat des Médecins Généralistes (syndicat non représentatif de médecins généralistes)
SNJMG : Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (syndicat non représentatif de jeunes médecins généralistes)
- Quels sont les positionnements ?
Les grévistes :
Le groupe « les médecins ne sont pas des pigeons » a été créé sur Facebook le 07 octobre 2012 par le Dr Letertre, chirurgien plasticien, contre toute modification du secteur 2 et l’application de la TVA en chirurgie esthétique depuis le 1er octobre 2012. Très vite relayé par l’UCDF (organisation de chirurgiens, membre du BLOC), le groupe s’est développé autour de la défense du secteur 2 alors que se déroulaient des négociations conventionnelles sur les dépassements d’honoraires.
Ces négociations se terminent fin octobre avec la signature de l’avenant 8 à la convention médicale 2011. Les médecins du groupe Facebook s'organisent sous la forme d'une association (l’UFML) présidée par le Dr Jerome Marty, médecin généraliste secteur 1 et directeur d'un centre SSR (ancien membre de la CSMF) qui milite pour l'annulation de l'avenant.
L’UFML est rejointe sur cette revendication par le BLOC et la FMF, deux syndicats médicaux représentatifs qui ont refusé de signer l’Avenant 8.
Les trois organisations appelle à une grève unitaire de tous les médecins à compter du 12 novembre 2012 (et une manifestation parisienne le 14 novembre) avec comme revendications : la défense du secteur 2 (et la contestation de l'encadrement des honoraires) et l'opposition à la montée en puissance des organismes complémentaires, englobés sous le vocable : « les mutuelles » (NB : paradoxe de la situation, nombre de médecins de l’UFML prônent la fin du monopole de l’Assurance Maladie et sa mise en concurrence avec des assurances privés).
Le 12 novembre 2012 est également le premier jour de la grève illimitée des internes : le Dr Cuq, président du BLOC, vient apporter son soutien à la manifestation parisienne organisée par l'ISNIH et explique aux journalistes que l'avenant a été fait au bénéfice des médecins généralistes et qu'il ne tient pas compte des chirurgiens.
Après la publication du sondage d'opinion de BVA pour Les Echos, défavorable au mouvement de grève des médecins libéraux, le BLOC lance le 16 novembre 2012 un appel à la poursuite du mouvement sous une autre forme que la grève (ex : procédures judiciaires en vue d'annuler l'avenant 8). De plus, le BLOC, la FMF et l'UFML appellent à soutenir une manifestation d'internes organisée par la FNSIP, l'ISNCCA et l'ISNIH le 20 novembre 2012 à Paris.
Depuis le 19 novembre 2012 (courriel reçu par le SNJMG), l'UFML contacte les médecins en exposant les revendications suivantes :
- "abolition de l'avenant 8, signé par les représentants de 3 syndicats (CSMF-MG France-SML) n'ayant pas obtenu l'aval de leur assemblée. Cet avenant limite non seulement les dépassements de confrères de secteur 2 dont la valeur des actes est restée stable depuis 30 ans et il n'offre que des misères en gage de revalorisation aux MG ( 5 euros par patient de plus de 85 ans et dans un second temps 5 euros par patient MT)
- Mise à niveau de la consultation avec la moyenne européenne, soit 40 euros. Nous devons nous réveiller et demander une juste revalorisation qui permettra d'inciter nos jeunes confrères à venir s'installer en libéral. Nous avons demandé l'avis d'un médecin économiste de la santé Frédéric Bizard qui nous a confirmé la légitimité de cette revalorisation à 40 euros
- Lutte contre les réseaux de soins des mutuelles, proposition de loi de députés socialistes, qui signent la fin de la médecine libérale, du libre choix du médecin par son patient et de notre indépendance. Les mutuelles ont non seulement 25 % de frais de fonctionnement selon un rapport de la cour des comptes ( 5% pour la sécu) mais elles viennent de bénéficier de l'absence de publication de leurs chiffres jusqu'en 2014 par Marisol Touraine ( MST pour les intimes)"
Les non grévistes :
Il y a deux groupes :
Les partisans de l’avenant 8 à la convention 2011 :
Ce sont bien sûr les signataires de l’avenant : CSMF, MGFrance et SML
Les déçus/mécontents de l’avenant 8 à la convention 2011 :
SMG : L’UMP l’a rêvé, le PS l’a fait ! Cet accord est un affront aux valeurs de la médecine. Le gouvernement se gargarise avec le mot justice, mais il accepte un accord qui confirme un système qui réalise l’exclusion des soins.
SNJMG : Un accord a minima pour les dépassements d'honoraires et sans ambition valable pour les médecins généralistes. Cet accord n'est pas à la hauteur des enjeux et il présente de nombreux vices cachés : participation de l'Assurance Maladie à la privatisation du syteme de soins, consécration du secteur 1 comme secteur parking et jeunes médecins généralistes encore une fois lésés par rapport aux autres médecins.