Patient.e-Expert.e
Plan :
I.Définition
II.Historique
III.Comment devenir patient-e expert-e ?
IV.Rôles/actions
V.Pour une meilleure reconnaissance du statut
VI.Rôle dans la formation des soignant-es
- Définition
Le patient-e -expert-e désigne celui ou celle qui, atteint d’une maladie chronique, a développé au fil du temps une connaissance fine de sa maladie et dispose ainsi d’une réelle expertise dans le vécu quotidien d’une pathologie ou d’une limitation physique liée à son état.
- Historique
La notion de “patient-expert” vient du développement de la santé communautaire par des associations de malades, des groupes de soutien et d’entre-aide.
Ils se sont développés dans les années 1930, sur le modèle des Alcooliques Anonymes, dans des pays ayant une tradition de self-care (ensemble des soins non dispensés par les professionnel-les de santé) et de self-health (mode de vie adopté pour préserver la santé). Les premières pratiques d’intégration de pairs aidants salariés ont ainsi été réalisées aux Etats-Unis, grâce à un programme d’embauche de travailleurs pairs aidants en 1989, avec le financement par l’Association Nationale des Directeurs de Programmes d’Etats pour la Santé Mentale. (1)
En France, la pandémie du Sida dans les années 1980 a fait émergé de nombreuses associations militantes, comme Aides (1984), Act-up (1989), ou bien encore Actions-traitements (1991) qui est la première association constituée, dirigée et gérée uniquement par des malades. En 1992, ces diverses associations s’organisent en collectif afin de mutualiser leurs forces pour certaines actions et s’appuient sur les médias pour diffuser leur message dans l’opinion publique et rendre visible l’incapacité du système de santé à faire face à ces nouvelles problématiques. Les patient-es atteints du SIDA exigent alors de participer pleinement aux processus d’organisation et aux choix d’orientation des politiques de santé publique, dans leur propre intérêt et pour faire face aux risques sanitaires et sociaux causés par l’épidémie. Les patient-es mettent en avant alors la place des associations de malades dans la gestion du système de santé et dans l’organisation des étapes allant de la recherche clinique en passant par la mise sur le marché des médicaments et jusqu’à la prise en charge des personnes atteintes.
En mai 1998, sous la direction de Bernard Kouchner, Secrétaire d’Etat Chargé de la Santé, des Etats Généraux de la Santé sont organisés afin de donner la parole à celles et ceux qui vivent la maladie. Après de multiples réunions régionales et nationales, des concertations entre malades, ayant une expérience du système de soins, la priorité est donnée à la prise en charge de la douleur. Ces Etats Généraux sont à l’origine de la loi du 4 mars 2002 « relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ». Soutenue par la Cour de Cassation, émergent les fondements d'une démocratie sanitaire et l'idée d'une participation conjointe de professionnel-les, des usager-es et des élus à la définition d’une politique de santé publique. Né ainsi l’article L 1114-1 du Code de la santé publique, affirmant la place des usager-es au cœur des politiques de santé publique. Outre le droit de siéger dans les instances hospitalières et de santé publique, il leur est désormais possible de défendre les droits des personnes malades et des usager-es, d’organiser l'information et la formation de celleux-ci.
Ainsi, l’objectif étant de s’éloigner de la médecine paternaliste, verticale, avec un rapport de domination, pour s’approcher d’une médecine plus humaine, à l’écoute, plus horizontale, prenant en compte les patient-es dans leur globalité, leurs besoins, leur souffrance, leurs choix, afin de les placer au centre de leur prise en charge, leur donner la possibilité d’être acteur-rice de leur prise en soins. (2)
- Comment devenir patient-e expert-e ?
Pour devenir patient-e expert-e, il est important d’avoir un certain recul sur sa maladie, et si possible, d’avoir déjà une expérience dans l’aide et l’accompagnement d’autres patient-es, via par exemple une association de patients agréée. Par ailleurs, comme toute personne intervenant dans un programme d’ETP (Education Thérapeutique du Patient) , les patient-es experts doivent attester de compétences en éducation thérapeutique du patient définies par l’arrêté du 2 août 2010 modifié par le décret du 31 mai 2013 relatif aux compétences requises pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient soit au minimum une formation de 40 heures permettant la délivrance d’un certificat pour dispenser l’ETP.
Ces formations peuvent être fournies par des universités, ou bien des associations.
D’autres formations plus longues sont possibles mais non obligatoires pour devenir patient expert telles que les DU, Master. (3)
Quelques exemples de formations proposées :
Les DU, Licences et Master proposés par les Universités Françaises sont :
- licence « Sciences sanitaires et sociales, parcours “Médiateurs de santé-pairs” (MSP) », proposée par l’université Paris 13 en partenariat avec le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS) ;
- DU « Pair-aidance en santé mentale », porté par l’université Lyon 1 en partenariat avec le Centre ressource de réhabilitation psychosociale et de remédiation cognitive. (4)
L'Université des Patients de Sorbonne Université propose elle :
- DU Formation à la démocratie sanitaire pour les représentants des usagers
- DU Formation à la mission d'accompagnant de Parcours du patient en Cancérologie
- DU Formation à l'Education Thérapeutique
- MASTER CLASS Formation de patient représentant des usagers vivant avec une maladie respiratoire/ drépanocytose/
- FORMATION Devenir Patient-Partenaire dans le syndrome de grêle court - Paris
- Master 1 et 2 santé : spécialité Education Thérapeutique du Patient
L'UMFCS de Marseille dispense de son côté deux formations :
- CU Education Thérapeutique pour Patients - Experts
- DU Patients-Experts - Maladies chroniques (5)
- Rôles/actions
Divers rôles et actions possibles des patient.es-expert.es (liste non exhaustive) :
– pair aidant/émulateur pour échanger et partager ses expériences avec les malades et leurs proches (permanences : par téléphone ou en présentiel, rencontres, chat).
– pair formateur : co-construire des programmes d’éducation thérapeutique et animer d’ateliers avec les soignant-es, vulgariser des informations médico-scientifiques, coaching, témoignages au cours de formations médicales ou paramédicales ou lors de colloques médicaux ou scientifiques.
– ressource en tant qu’usager-e représentant des malades pour l’organisation des soins et la gouvernance des hôpitaux, la rédaction de fiches pratiques ou de protocoles de soins en collaboration avec les médecins, la co-construction ou relecture de protocoles d’études scientifiques.
– ressource pour de nombreuses instances publiques ou apparentées : des pools de malades-experts sont recensés à l’EMA, à la Haute Autorité de Santé (HAS), dans les Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées (MDPH) dans les comités de protection des personnes (CPP), ou autre (ENMC, ANSM). (5)
- Pour une meilleure reconnaissance du statut
Les patient.e.s-expert.e.s sont le plus souvent invités à effectuer un travail bénévole d’éducation thérapeutique du patient, dans la continuité de leur engagement associatif. Mais des dispositifs comme l’Université des patients ainsi que les patient.e.s expert.e.s eux/elles-mêmes promeuvent une reconnaissance du « travail du patient » à travers l’acquisition de diplômes universitaires. Cet exemple de la question des degrés du diplôme acquis pourrait ouvrir à des relations concurrentielles entre pairs. Des débats s’organisent au sein même des patient.e.s expert.e.s questionnant les effets du salariat sur le « savoir expérientiel » et interrogent la légitimité du travail bénévole dans le système médical et médico-social. (6)
- Rôle dans la formation des soignant-es
Ces dernières années, quelques facultés de médecine ont ouvert leurs portes à des patient-es expert-es au sein de certains cours à l’université. Ces initiatives ne sont malheureusement pas très étendues. Pourtant, les malades peuvent nous apporter beaucoup en tant que soignant-es et futur-es soignant-es. En effet, les cours d’éthique, de psychologie, de relation patient-e soignant-e ne sont que succincts au cours de notre cursus. Or, l’échange, l’empathie, l’information claire et éclairée, l’écoute, font partie du soin. La médecine n’est pas qu’une science. Savoir communiquer, reconnaître le ressenti de la personne en face de nous sont des éléments essentiels de notre métier. De plus, le partage d’expériences permet également de mieux comprendre les conséquences des maladies et en particulier des maladies chroniques sur le quotidien des malades, ainsi que les différents obstacles qui peuvent survenir tout au long de leur parcours de soin afin de mieux les accompagner. Cela permet de tendre vers une médecine plus horizontale, humaine avec une prise en charge globale de la personne.
L'exemple de l'université de Sorbonne Paris Nord est l'une des premières à avoir accueilli de façon importante des patients enseignants. Dès 2013, une tribune publiée dans le monde affirmait :
"Un vrai cap vient d’être franchi au sein de la filière de formation des internes de médecine générale de la faculté de médecine de Bobigny, où, depuis un an, une quinzaine de patients experts délivrent 260 heures d’enseignement par an, soit presque autant que les enseignants médecins avec lesquels ils enseignent en binôme."
Sources :
(1) « La paire aidance »_ T.Gesmond pour DIHAL (2016).
(2) « Le patient expert dans les établissements de santé » _ Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (2013).
(3) « https://www.etp-grandest.org/faq/jaimerais-devenir-patient-expert-en-etp-comment-faire-et-qui-contacter/ »
(4) « Le pair-aidant professionnel : un nouvel acteur pour de nouvelles réponses » _ C.Niard (2020).
(5) « Le patient-expert. Un nouvel acteur clé du système de santé » _ M.Friconneau (2021).
(6) « Patients intervenants, médiateurs de santé-pairs : quelles figures de la pair-aidance en santé ? » _ A.Troisoeufs (2020).
Tribune le monde 2013 "Les patients enseignants : une révolution dans la formation des médecins"
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