Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables face au COVID-19 étant donné le fort taux de mortalité dans cette population. Ces dernières semaines, on découvre au fil de l’eau le nombre de morts du coronavirus dans les EHPAD (Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) — qui constitueraient 40 % des victimes — dans des conditions parfois floues.
Des familles de victimes ont alerté sur l’absence d’information sur l’état de santé de leurs parents et le flou sur les mesures de protection mises en place pour empêcher la propagation du virus. Certaines ont porté plaintes et des enquêtes sont ouvertes pour homicide involontaire.(1)
Une grande partie des EHPAD appartient aujourd’hui à des grands groupes privés, qui proposent d’investir dans leurs chambres comme un placement attractif. (2).
Pour conserver la rentabilité du « produit », ces groupes vont faire des économies partout où c’est possible et en premier lieu sur le personnel, avec parfois une seule infirmière de nuit pour plusieurs établissements. Des économies qui existent aussi dans les établissements publics à cause d’un sous-financement. Le premier groupe privé du secteur, le groupe Korian, créé en 2003, possède 282 établissements et 23 000 lits. Ce groupe est actuellement dans le viseur des critiques pour le décompte des victimes. (3)
Il n’est pas acceptable que les conditions sanitaires des résidents dépendent d’objectifs de rentabilité de placements financiers. Par ailleurs, les fonds publics financent en partie ces établissements à travers l’Assurance maladie pour les soins, et l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA). On assiste donc à une socialisation des coûts et une privation des bénéfices dans ces structures privées, tout en détruisant progressivement les structures publiques existantes par sous-financement. En ce sens les EHPAD sont un exemple type de la destruction en cours du système public de santé.
Le modèle actuel des EHPAD pose aussi la question plus générale de la prise en soin de la dépendance par notre société. Le tarif moyen d’une chambre en EHPAD est d’environ 2000 euros par mois, dont une grande partie doit être supportée par la famille de la personne dépendante (4) .
Nous estimons que l’état de dépendance est un état de santé non choisi qui doit relever de la solidarité collective, au même titre que la maladie ou la retraite, dans l’esprit initial de la Sécurité Sociale.
La santé et les conditions de vie dignes d’une personne âgée ne doivent dépendre ni du niveau de revenus de sa famille, ni du cours de l’action de l’établissement où elle réside. (5) (6)
Bien qu’il existe des structures privées à but non lucratif, environ 25% de la manne totale se répartit entre quatre mastodontes à croissance exponentielle : Korian, Orpea, Colisée et DomusVi .
Naissance des EHPAD en 1997 avec la réforme de la tarification/ secteur MEDICO SOCIAL
Hébergement (résident) /soins (Ass Mal) / dépendance (APA 2007) (7)
Dès lors, les hospices héritiers de la tradition asilaire n’avaient plus vocation à servir de lieux de relégation pour ces cohortes de vieillards contraints de se livrer à une « mendicité tapageuse » que dénonçait déjà un « édit royal » de Louis XIV, comme une nuisance sociale difficilement supportable. Leur abrogation réglementaire par la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 donnait un délai de dix années aux pouvoirs publics pour assurer leur transformation en maison de retraite médicalisée ou non ou en unité de long séjour hospitalier; l’histoire révèlera que plus de trente années auront été nécessaires pour réaliser cet objectif.
Le modèle hôtelier est apparu dans les années 1980 à l’initiative du secteur privé commercial, afin de répondre aux attentes d’une clientèle soucieuse d’échapper au caractère manifestement trop social et contraignant pour ne pas dire assistanciel des établissements traditionnels. Les « hostelleries du troisième âge », pour reprendre les premiers messages de communication des résidences Hôtelia, lancées par le groupe Accor et plusieurs fois revendues depuis, détenues actuellement par le groupe Korian, ont cherché à estomper l’image dégradée de la vieillesse et des corps déchus, sans pour autant éluder les réalités de la perte d’autonomie à laquelle elles entendaient répondre par une « médicalisation douce », valorisant les concepts d’autonomie et d’indépendance qui demeurent leur référence.
La médicalisation généralisée de ces structures de par la réforme de la tarification des EHPAD introduite par la loi de janvier 1997, a contraint les gestionnaires à repositionner leur offre de service dans l’éventail des institutions pour personnes âgées. Plus que dans les autres EHPAD les équipes soignantes qui ont été instituées dispensent leurs soins à la carte, et l’accompagnement et les soins sont prodigués de façon très individualisée. (8)
2017, le gouvernement a procédé à une réforme de la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)
Baisse importante des recettes pour 35 à 40 % des Ehpad publics
Si cette réforme privilégie les établissements privés lucratifs, il ne s’agit pas d’un hasard. Dès la création des Ehpad, en 1997, le secteur commercial émergent a pu bénéficier de financements publics pour se développer. Pour les économistes Ilona Delouette et Laura Nirello (1), l’abrogation de la relation privilégiée qui existait entre les pouvoirs publics et les acteurs traditionnels — publics et associatifs — de la prise en charge des personnes âgées a instauré une concurrence qui bénéficie au secteur commercial.
Le processus de privatisation du secteur des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes Ilona Delouette et Laura Nirello Dans Journal de gestion et d'économie médicales 2016/7 (Vol. 34), pages 387 à 408 (9)
D’abord, dès 1997, les régulateurs du champ construisent un rapport de concurrence entre les différents types d’établissements du secteur (public, économie sociale, privé lucratif) en abrogeant la relation privilégiée qu’ils entretenaient avec les acteurs traditionnels non lucratifs, et en ouvrant les financements publics aux établissements privés lucratifs. (10)
L’illustre fusion Korian-Medica ayant eu lieu en 2014 a fait du groupe Korian le premier acteur français du secteur des EHPAD.
Dans le top 3 des groupes privés EHPAD se trouvent Korian, Orpéa et Domusvi avec pas moins de 15 000 lits. Viennent ensuite des groupes tels que Le Noble Age ou encore Colisée Patrimoine et Dolcéa Création GDP Vendôme qui possèdent autour de 3 000 lits. Enfin, la dernière catégorie est constituée par des groupes ayant sous gestion une moyenne de 1000 lits.
Depuis sa création en 2003, le groupe privé Korian est un acteur de référence dans le domaine de la prise en charge de la dépendance temporaire et permanente. Avec la fusion absorption de Médica, Korian se place en tête du classement.
Nombre d’établissements en France : 282
Nombre de lits en France : 23 554 (11)
La convention tripartite – un marché sécurisé par cette convention
La convention tripartite est la convention signée entre le Conseil général, l’ARS et le gestionnaire de la résidence EHPAD, cette convention permet de sécurisé ce marché. Pour entamer la construction d’un EHPAD il est obligatoire de signer cette convention tripartite. Aucune nouvelle construction de type EHPAD n’est possible sans cette autorisation. C’est en quelque sorte un numerus clausus du nombre de résidences EHPAD. Actuellement, chaque année, nous créons en France un déficit de 10’000 lits EHPAD dont nous aurions besoin. Nous observons de plus depuis 2011 un « gèle » des autorisations délivrées par l’État car chaque nouvelle création EHPAD coûte de l’argent à l’État via les aides données.
Contact Presse : Benoit Blaes – presidence@snjmg.org – 07.61.99.39.22
2. https://www.ehpad.fr/investir-dans-une-chambre/
4.http://chantibes.reference-syndicale.fr/files/2018/06/Note-dactualit%C3%A9-30.05.2018-Ehpad.pdf
5. https://www.monde-diplomatique.fr/2019/03/BAQUE/59611
6. https://blogs.mediapart.fr/zazaz/blog/130420/liberons-les-vieux-fermons-les-ehpad-0
7. https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2007-4-page-169.htm#
8. https://www.monde-diplomatique.fr/2019/03/BAQUE/596129.
9. https://www.cairn.info/revue-journal-de-gestion-et-d-economie-medicales-2016-7-page-387.htm
10. https://www.ehpad.fr/classement-top-10-ehpad/
11. https://www.ehpad.fr/residence-ehpad/la-bastide-des-oliviers/
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