Discriminations dans le milieu médical : interview de Myriam interne en médecine générale et Rodolphe MG
Rodolphe est médecin généraliste à Saint Etienne, M2 Inégalité Discrimination Territoire
Myriam est interne de médecine générale à Saint Etienne, M2 Enjeux Sociaux et Politiques de Santé Ensemble.
Ils travaillent sur les discriminations en santé, ainsi que sur les risques psychosociaux des étudiant·es en médecine. Ils gèrent notamment un DU Accès au soin et lutte contre les discriminations en santé, à Saint Etienne.
Tu travailles sur le syndrome méditerranéen, les risques psycho-sociaux des étudiants en médecine, l’humour carabin, l’accès au soin des personnes précaires… Chacun de ces aspects paraît très vaste, qu’est-ce qui les fait se rejoindre et t’y intéresser conjointement ?
Les RPS des étudiant·es ont été l'entrée en matière. Les externes subissent leurs lots de contraintes (en apprentissage, mais également “bouche trou” (secrétariat, brancardage) et parfois, d’humiliations (apprentissage par la terreur, sexisme, racisme, grossophobie…). En plus de la maltraitance (individuelle ou institutionnelle), les externes constatent aussi des discriminations envers les patient·es, et parfois les reproduisent.
Existe-t-il des aspects institutionnels (qui dépassent la capacité de contrôle d’un individu dans ses interactions avec les autres) aux discriminations en santé ?
L’hôpital est le reflet de la société. Les discriminations vécues par les individus sont reproduites dans le système de santé, parfois plus violemment du fait de l’omerta, voire même du déni (“on ne peut pas être raciste, on soigne tout le monde”) autour de ces problématiques. L’exemple typique est celui des patient·es “CMU” (maintenant C2S) perçu·es comme précaires et “assisté·es”, et donc “profitent” du système de santé. Dans les faits, les personnes qui bénéficient de la C2S ou de l’AME (aide médicale d’état) ont un accès au soin plus difficile, et parfois de moins bonne qualité. Plus encore, ces patient·es ont moins recours au soin devant la difficulté des démarches, et le refus des médecins, qui devient une habitude pour ces patient·es (cf article Non recours au soin des populations précaires). On retrouve un phénomène semblable avec les personnes identifiées comme maghrébines, noires, et même des pays de l’est (!) à travers le “syndrome méditerranéen”, que l’on justifie au nom du sauvetage de la sécurité sociale (cf article sur le sd méditerranéen).
Sur quel type de données travailles-tu ? Comment est-ce que tu les rassembles, et quelles difficultés est-ce que ça pose ?
Nous travaillons sur des entretiens semi-directifs, un questionnaire en ligne (avec commentaires libres possibles), et les données de la littérature. Nous avons interviewé énormément de personnes, et nous avons eu beaucoup de réponses. Nous sommes toujours en train de les analyser. Les témoignages sont parfois profondément déprimants, ce qui nous encourage à continuer! Nous n’avançons malheureusement pas aussi vite que nous le voudrions, du fait de notre travail qui est assez prenant!
Que peux-tu nous proposer pour nous former à reconnaître ces discriminations, les éviter au quotidien, et intégrer la lutte contre celles-ci dans nos pratiques ?
Nous sommes tous parfois discriminatoires, souvent (heureusement) sans nous en rendre compte. La fatigue et le surmenage n’aident pas, notamment en cette période. Notre empathie peut diminuer. Nous sommes humains après tout! De plus, nous avons tous notre bagage culturel et social, des biais que nous avons intégrés. Il faut commencer par accepter la critique : ne pas vouloir “se jouer l’avocat du diable” ou avancer “l’expérience personnelle” comme vérité absolue, alors que c’est un biais énorme! Il faut accepter de se remettre en question, et de faire des erreurs. C’est sans doute le plus difficile. Il faut voir cela comme les RMM : ce ne sont pas des reproches à prendre personnellement mais un moyen d’évoluer ensemble vers des prises en charge non discriminantes.
Cette attitude réflexive s’apprend, ce n’est pas forcément quelque chose de naturel. Ainsi, nous croyons profondément en l’importance de l’enseignement afin de limiter l’intégration de ces biais discriminatoires, avec une attitude réflexive à travers les cours de sciences humaines, les DU, ou les conférences par associatifs concernés. Nous faisons notre maximum pour intervenir auprès des associations étudiant·es lorsqu’elles le souhaitent, comme la FNEK (kiné), les penseurs de plaie, le CLIT… Nous cherchons à transmettre les résultats de nos recherches afin de faire bouger un peu les choses, sinon cela ne restera que de beaux papiers inutiles qui prendront la poussière sur une étagère!
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