Coronavirus en France : la résistible multiplication des atteintes aux droits fondamentaux

 

Depuis le début de la pandémie, Amnesty International tout comme Human Rights Watch dénoncent les attaques contre les droits de l’homme sous couvert de sécurité sanitaire.

En France, il semble bien loin ce mois de Janvier 2020 où tous les responsables politiques étaient justement choqués par le recours systématique de la Chine à tout ce que les nouvelles technologies offrent comme possibilités pour assurer une surveillance de masse de sa population : drones, vidéo contrôle, reconnaissance faciale, cameras thermiques, application de tracking… Le tout couplé avec des amendes, des enfermements à domicile, des incarcérations, des déportations en camps voire des disparitions…

En ce printemps 2020, la préfecture des Alpes-Maritimes surveille les Niçois par des drones qui survolent la ville avec un haut-parleur diffusant des messages à 100 décibels (1), des dirigeants de start up profitent de leur statut de commentateurs sur les chaines radio/TV d’info continue (y compris publiques !) pour faire la publicité de leur programme de contrôle de l’utilisation de masques dans la ville de Cannes (2), la préfecture de police de Paris reconnait utiliser les images de drones de surveillance sans disposer d’autorisation spécifique pour capter ces images (3), la gendarmerie nationale poursuit en hélicoptère le moindre randonneur en balade sur une plage déserte (4) et le gouvernement français multiplie les entorses à l’Etat de droit.

Il y eu d’abord l’introduction de peines de prison pour non-respect des règles de confinement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire… alors que gouvernement prenait, à bon escient, des mesures pour lutter contre la surpopulation carcérale et diminuer ainsi le risque de propagation de l’épidémie dans les lieux de privation de liberté !

Il y a ensuite la mise en « sommeil » des juridictions administratives, judiciaires et constitutionnelle puis le projet d’application StopCovid contre le quel se mobilise le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG), aux cotés de la Quadrature du Net (5).

Et depuis le semaine dernière, il y a le projet de traçage des patients infectés et des sujets contact avec constitution de deux fichiers centralisés, d’une durée d’un an maximum, alimentés de données personnelles (de santé ou non), nominatives, fournies essentiellement par les médecins généralistes, « le cas échéant sans le consentement des personnes » et gérés par des personnels administratifs initialement non assermentés. Le même projet de loi accorde, selon la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), « des prérogatives préoccupantes aux préfets concernant des mesures individuelles de privation de liberté des personnes entrant sur le territoire » (6).

Ce projet a été annoncé aux médecins généralistes par un simple courriel du directeur de l’Assurance Maladie le jeudi 30 avril 2020 pour une mise en application à compter du 11 mai 2020 (7) et présenté par le gouvernement aux parlementaires quelques jours seulement avant la discussion de la loi afférente, sans avoir consulté les associations de patients (8) ni demandé l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et en l’absence de tout contrôle du Conseil Constitutionnel.

Le SNJMG n’ignore pas qu’il existe des résultats encourageants sur des expériences à l’étranger d’identification systématique et de prise en charge des personnes infectées et de leurs contacts (9), et le SNJMG apprécie, une nouvelle fois, les gardes fous proposés par la CNIL comme certaines améliorations apportées par le débat parlementaire en cours (ex : encadrement par du dispositif par un comité de suivi) mais il n’en reste pas moins que le projet repose toujours sur des atteintes aux droits des personnes et sur une remise en cause du secret médical, alors que la pathologie CoViD-19 évolue majoritairement vers la guérison spontanée.

Aussi, tout en regrettant que patients et médecins généralistes n’aient pas été impliqués dans un programme éthiquement bien plus acceptable, le SNJMG tient à exprimer son opposition à un projet gouvernemental de traçage qualifié de « police sanitaire » par Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale et président du Conseil pour l'éthique de la recherche et l'intégrité scientifique de l'Université Paris-Saclay (10).

 

Contact Presse : Benoit Blaes – presidence@snjmg.org – 07.61.99.39.22

 

  1.  : Confinement : à Nice, la police surveille les promeneurs avec un... drone
  2.  : Covid-19 : à Cannes, des caméras repèrent automatiquement le port du masque
  3.  : Confinement : les drones de la préfecture de police de Paris attaqués en justice
  4.  : Confinement : prendre l’air ou faire du sport ? Oui, mais…
  5.  : StopCovid : une balance bénéfices/risques défavorable
  6.  : Déconfinement : à marche forcée
  7.  : Lettre de Nicolas Revel
  8.  : Coronavirus : les associations d’usagers de la santé, oubliées de la gestion de crise
  9.  : Feasibility of controlling COVID-19 outbreaks by isolation of cases and contacts. Lancet Glob Health. 2020
  10.  : Le suivi des malades après le 11 mai : quels enjeux éthiques ?