C’est un curieux tour de passe passe qui est intervenu jeudi dernier au Parlement lors de la réunion de la commission mixte paritaire* (CMP) concernant la loi Ma santé 2022.
Lors de l’examen en séance des articles du projet de loi, le Sénat avait adopté un amendement contre l’avis du gouvernement, indiquant que pour les étudiants de troisième cycle en médecine générale ou de spécialités de premier recours (ex : ophtalmologie), la dernière année serait une année de « pratique ambulatoire en autonomie, en priorité dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ». Cet amendement non agréé par le gouvernement a été le seul à rester dans la version finale du texte de loi voté par le Sénat - à la différence, par exemple, de l’amendement prolongeant le délai d’IVG (1).
Devant la réprobation générale des organisations de jeunes médecins (2) et les questionnements des doyens et des enseignants de médecine générale, il était logique de penser que cet amendement non agréé par le gouvernement et non voté par l’Assemblée Nationale serait purement et simplement abandonné lors de la CMP.
Surprise : les rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée Nationale, avec l’acceptation tacite du gouvernement, ont décidé de garder dans la loi une trace de cet amendement via un compromis écourtant la durée de l’obligation de stage en zone déficitaire (1 semestre et non 2) et écartant l’idée de laisser les étudiants livrés à eux-mêmes sans supervision d’un praticien, ce compromis concernant explicitement les Internes de Médecine Générale et possiblement les internes de spécialités à exercice majoritairement ambulatoire (3).
Si dans l’immédiat les spécialités à exercice majoritairement ambulatoire (autres que la médecine générale) échappent donc à la menace de stage en zone déficitaire, le compromis ouvre la possibilité de créer de tels stages via un simple décret.
Pour les internes de Médecine Générale, la menace se concrétise à compter de l’année 2021. Mais, à la lecture du compromis, il est logique de penser que ce stage corresponde en fait au stage ambulatoire de niveau 2 (SASPAS) créé par la réforme de 2003 et consacré par la réforme de 2017 (réformes concernant le troisième cycle des études médicales). Ce vote ne déboucherait il donc pour l’internat de médecine Générale que sur la priorisation du SASPAS pour les zones déficitaires et, en corollaire, sur la quasi exclusion des MSU hors zone déficitaire de l’accueil des internes en SASPAS ? Ou faut il prendre au sérieux les déclarations du Sénateur Milon qui annonce qu’avec l’accord obtenu par les sénateurs (et pas avec l’actuel SASPAS ?), les internes de Médecine Générale seront sortis de l’hôpital pour « aller directement sur le terrain » ?
Quoi qu’il en soit, le syndicat « Jeunes Médecins » et le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG) n’acceptent pas qu’une nouvelle fois les internes de médecine soient utilisés comme des variables d’ajustement des effectifs médicaux de notre système de santé.
Aussi, les deux syndicats interpellent la ministre de la Santé : Pourquoi le seul amendement adopté en séance contre l’avis du gouvernement persiste t il, même sous une forme édulcorée, dans le texte final issu de la CMP ? Le stage ambulatoire institué dans l’internat de Médecine Générale par cet amendement se confond il avec le SASPAS déjà existant ?
Si la ministre n’apporte pas de réponses précises et convaincantes à ses questions. Le SNJMG, en tant que syndicat d’internes de médecine générale (entre autres), interrogera ses membres sur toutes les modalités de contestation de cet amendement, y compris la grève. Quant au Syndicat « Jeunes Médecins », il soutiendra la contestation portée par le SNJMG pour la Médecine Générale et par d’autres syndicats d’internes pour les autres spécialités.
- : communiqué du SNJMG (12.06.19)
- : communique du SNJMG (11.06.19)
- : Texte issu de la CMP
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