Manifestement la politique de santé est le continent noir de nos hommes politiques. On a beau expliquer et ré-expliquer, ça ne rentre pas... Et chacun y va donc de son petit couplet soi-disant de « bon sens », qui n’est autre qu’un aveu d’ignorance de la complexité de la situation, des problématiques et des solutions à apporter.
C’est ainsi que le serpent de mer de la coercition à l’installation des médecins revient régulièrement sur le tapis soit à l’Assemblée soit au Sénat. Il faut dire que l’absence d’une ligne politique cohérente de la part de l’exécutif dans le domaine de la santé est sans doute responsable de telles « initiatives » parlementaires intempestives.
Le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG) en a eu une nouvelle preuve la semaine dernière, suite à la visite du Président de la République à Vesoul et à son discours sur la santé dans le cadre de la ruralité. Prétendre traiter le problème de la démographie médicale par le saupoudrage de quelques maisons de santé sur le territoire, sans certitude de disposer des professionnels de santé pour les faire fonctionner, tout comme miser sur des contrats d’engagement de service public (CESP) à l’éthique douteuse (discrimination des étudiants sur leur origine sociale) et au résultat incertain, tout ceci n’est guère à la hauteur.
La nature ayant horreur du vide, comment s’étonner du geste désespéré de certains élus locaux qui, pris de panique, décident de se tirer une balle dans le pied ? C’est ainsi que le sénateur du Doubs, Jean-François LONGEOT, suivant l’exemple d’illustres prédécesseurs, a lui aussi réinventé la poudre : le non-conventionnement des médecins en zone «surdotée ».
Dans le cadre de l’examen par le Sénat du projet de loi de Santé, il a proposé au vote un amendement à l’article 12 quater A ainsi libellé : « Dans les zones, définies par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national, dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d'offre de soins, le conventionnement à l'assurance maladie d'un médecin libéral ne peut intervenir qu'en concomitance avec la cessation d'activité libérale d'un médecin exerçant dans la même zone.»
On cherchera avec intérêt dans la réalité les zones « avec fort excédent » de médecins généralistes… Il faudra bien qu’un jour sénateurs et députés lisent l’Atlas de Démographie Médicale de l’Ordre des Médecins pour découvrir la situation : ces zones « surdotées » n’existent plus depuis plusieurs années, la chute des effectifs de médecins généralistes étant générale sur le territoire et, bien loin des clichés éculés, le premier désert médical est aujourd’hui l’Ile-de-France.
Effet garanti de la mesure ! En tout cas sur la fuite des étudiants en médecine ! Pour ne pas être pris au piège coercitif annoncé par de tels signaux, ils choisiront logiquement d’autres carrières que l’installation en médecine générale.
Le plus dramatique c’est que les vraies solutions sont déjà bien connues, et décrites dans différents rapports restés sans suite, mais le courage politique de réformer réellement le système de santé semble manqué.
Rappelons les propositions déjà exprimées par le SNJMG, résumées autour de 3 axes.
1. Rendre attractive la médecine générale pour les étudiants, ce qui suppose de corriger d’urgence les éléments de dévalorisation symbolique par rapport aux autres spécialités :
- nombre et place des enseignants de médecine générale dans les facultés,
- durée de l’internat,
- perspectives professionnelles et universitaires,
- discriminations tarifaires.
2. Favoriser l’installation, ce qui impose de rapidement :
- sécuriser l’exercice libéral conventionné par une véritable protection sociale,
- supprimer des tâches administratives afin de libérer du temps médical,
- reconnaître et rémunérer le rôle de synthèse et de coordination du médecin généraliste,
- flécher des dotations conventionnelles pour moderniser le fonctionnement des cabinets.
3. Encourager une répartition géographique adéquate, avec comme outils :
- une découverte de la diversité des territoires grâce aux stages d’externes et aux semestres d’internat,
- une information précise, actualisée et accessible sur les besoins en santé des territoires,
- un accompagnement facilitateur, logistique et financier des projets portés par des professionnels de santé,
- une majoration spécifique des dotations structurelles pérennes dans les zones en difficulté afin d’y développer les fonctionnements les plus efficients possibles, qui pourront reposer, selon la situation locale, sur l’initiative libérale ou sur le salariat.
Mais attention ! Qu’un seul de ces trois piliers manque et ce sera la catastrophe. En effet, les mesures incitatives de répartition ne pourront porter des fruits que si les étudiants sont suffisamment nombreux à choisir d’exercer la médecine générale. Bien entendu toute mesure coercitive aboutira à l’effet inverse. Pour arroser la France entière, encore faut-il qu’il y ait de la pression dans le tuyau !
Le SNJMG invite le Sénateur LONGEOT et les autres responsables politiques à venir rencontrer les jeunes généralistes lors de leurs Assises Nationales le samedi 21 novembre et notamment à participer à la table ronde intitulée « Politiques et jeunes médecins : un dialogue de sourds ? »…
Contacts Presse :
Théo COMBES - Président - 06 81 00 22 90 - president@snjmg.org
Emilie FRELAT - Première Vice-Présidente - 06 19 90 26 57- frelat.emilie@gmail.com
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